Témoignage – Corinne Archer-Villegas

L’Unapei 30 est composée de nombreux bénévoles, administrateurs et professionnels. Derrière chacun d’entre eux, une histoire ou un parcours nous aide à saisir la nature de leur engagement. Nous avons discuté avec Corinne Archer-Villegas. Nouvellement adhérente et membre du Conseil d’Administration, elle évoque son parcours associatif et la nécessité de s’engager pour faire évoluer les choses et servir un collectif.

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je suis gardoise, native d’Alès, j’ai vécu à Saint-Privat-desVieux jusqu’à l’âge adulte. Je connais bien le département pour y être née et y avoir habité mais je l’ai quitté pour des raisons professionnelles. J’ai découvert les Hauts-de-France et l’Auvergne pour ensuite revenir en Occitanie, à Montpellier puis à Caveirac.
Partir et découvrir de nouveaux territoires a été une expérience très enrichissante. On découvre d’autres façons de vivre, d’autres régions, ça donne une ouverture d’esprit. Mon retour dans le Gard a été un choix personnel mais aussi fondamental par rapport à la prise en charge de mon fils, Hugo. Nous avons eu une proposition d’accueil à l’hôpital de jour de Montaury de la Croix-Rouge et nous devions vivre à proximité.
Je suis une épouse, une maman et une mamie. J’exerce aussi une activité professionnelle que j’ai souhaité conserver, même à l’arrivée de Hugo et à l’annonce du handicap. À ce moment là d’autres font le choix d’arrêter mais pour moi ce n’était pas envisageable. Les journées sont parfois épuisantes, mais c’est nécessaire à mon équilibre de vie. J’aime la vie et je suis quelqu’un d’optimiste, ce qui m’est d’ailleurs très utile par rapport au handicap. J’accorde aussi beaucoup d’importance à l’amitié et aux liens entre les individus. Là aussi, c’est quelque chose de primordial lorsque l’on doit faire face au handicap.

Quel est votre lien avec le handicap ?
Mon lien avec le handicap a d’abord été professionnel. Je travaille dans le secteur du logement social et médico-social et j’ai été très touchée par la souffrance et l’isolement de certaines familles. On croise des situations parfois inconnues des services sociaux, des personnes invisibles et isolées. Mon rôle était de les accompagner à trouver un logement correspondant à leur besoin. Une chose importante que j’ai constaté dans ma vie professionnelle et dont je suis convaincue : le logement est primordial pour le bien- être. Quand il est adapté la famille se sent mieux, c’est valable aussi pour une personne en situation de handicap. Le lieu de vie est déterminant pour la santé de personne. Le fait d’avoir été témoin de ces difficultés m’a permis de comprendre et de mieux accepter la situation lorsque le diagnostic est tombé pour Hugo. Je me suis dit “Ça n’arrive pas qu’aux autres.”

Hugo est né en mars 2001. On s’est rapidement rendu compte que son évolution n’était pas classique. Ça a été difficile à détecter, nous avons eu un diagnostic à ses trois ans. Dès ce jour-là nous avons su que notre vie sociale et familiale ne serait plus jamais la même. Il a fallu se serrer les coudes, rester unis, continuer à avancer et c’est là que notre parcours du combattant à commencer. Avoir connu le monde du handicap professionnellement m’a beaucoup aidé. Grâce à ça j’ai appréhendé les choses avec un peu moins de difficulté qu’une personne qui n’aurait pas eu un aperçu des situations que j’ai pu accompagner. L’objectif était de trouver une place en IME alors j’ai rempli des dossiers, j’ai appris les sigles, les acronymes, j’ai raconté ma vie. Il faut beaucoup parler de sa situation à de nombreux interlocuteurs et ce n’est pas toujours évident. Hugo a été accueilli à l’IME Kruger en 2009. Il avait 8 ans. En 2016 il a intégré la Maison des Adolescents de Sésame Autisme, à Vauvert. Du mardi soir au jeudi matin, il bénéficiait d’un accompagnement pour l’apprentissage des fondamentaux de vie avec une dynamique de groupe qui a beaucoup contribué à l’évolution de ses acquis. Il a commencé à dormir ailleurs qu’à la maison. En plus de ces deux nuits à l’extérieur, il était accueilli un weekend par mois et cinq semaines par an. C’était très bien pour Hugo, pour ses acquisitions, et pour nous aussi. Même si en tant que parents on est toujours inquiets et soucieux pour son enfant, j’ai vu que les professionnels étaient compétents et capables et ça m’a permis de souffler un peu.

D’où vient votre engagement associatif ?
C’est à travers le parcours de Hugo que mon engagement associatif est né. Pour moi c’était une évidence, c’était fondamental. Je voulais comprendre, savoir comment s’orchestraient les choses. C’est très facile de remettre en question et de souligner ce qui dysfonctionne, mais c’est aussi difficile de diriger et d’animer de telles structures. Je ne voulais pas être une simple utilisatrice et me contenter de prendre et de critiquer. Je tenais à m’investir, je voulais recevoir et transmettre à mon tour. Si j’ai pu avoir une place et un accompagnement pour Hugo, c’est parce que d’autres se sont mobilisés avant moi et c’est une marque de respect que de poursuivre cet engagement. Pour moi c’est le minimum que je puisse faire.

On devrait tous prendre le relai pour faire perdurer l’action. Je suis assez interpellée de voir très peu de jeunes parents. Ils ont plutôt tendance à créer leur propre association, centrée sur leur enfant. Alors certes, chaque personne est unique avec ses particularités mais je ne vois pas l’intérêt de multiplier les associations. Peut-être que ces parents n’ont pas connaissance de ce qui existe, il faudrait sûrement travailler là-dessus. En tout cas je pense qu’il faudrait plutôt s’inscrire dans un collectif au service de chaque individualité.
Au cours de mon parcours associatif, on m’a proposé de faire partie d’un Conseil d’Administration. J’ai accepté, en étant dans un premier temps à l’écoute avant d’intervenir. Cette expérience a été une révélation. J’ai découvert que l’humanité, l’altruisme, l’empathie n’étaient pas seulement des qualités ou des traits de caractère mais des compétences nécessaires à l’action associative. Finalement on peut tous apporter quelque chose, il suffit d’agir avec son cœur.
Par contre, il faut que notre engagement soit en accord avec nos principes. Et ce n’est pas parce que l’on a adhéré une fois que cette adhésion doit être reconduite sans cesse.

Comment s’est tissé votre lien avec l’Unapei 30 ?
J’ai connu l’Unapei 30 en préparant le passage à l’âge adulte de Hugo. Il m’a fallu reprendre mon bâton de pèlerin et à nouveau remplir des dossiers. En découvrant le foyer de Montpezat, j’ai été très sensible à l’environnement et au bâti. Notre dossier a été mis en stand-by pendant la “période Covid”, puis nous avons été reçus pour un accueil en journée, le lundi. L’accompagnement proposé se déroule très bien, c’est rassurant et apaisant pour nous parents.
Dès notre arrivée à l’accueil de jour, nous avons commencé à recevoir de l’information de l’Unapei 30. On a été invité aux événements de l’établissement, au repas de Noël et à l’inauguration. Même si nous n’étions là que pour un accueil temporaire, on s’est senti présents et intégrés. C’est très positif. Étant destinataire des informations associatives, j’ai pu participer à la journée de formation sur l’autodétermination et c’est là que j’ai rencontré Christian Rougier, le président de l’association. Je voulais m’investir au sein du Conseil d’Administration par rapport à la situation de Hugo qui
n’est pas à même de se positionner. À mes yeux, c’est un devoir en tant que parent de s’assurer que les besoins de nos enfants puissent être portés. Nous devons être des relais pour les personnes qui ne peuvent pas s’exprimer.


Comment conciliez-vous vie professionnelle et vie associative ?
Les journées sont longues et souvent fatigantes mais je ne me pose pas la question, c’est normal. J’essaie de concilier les deux du mieux possible, par exemple il peut m’arriver de poser un jour de congé pour participer à un événement associatif. Il s’agit d’un équilibre à trouver et d’une organisation, à la fois professionnelle et familiale puisque je m’organise avec mon conjoint. Et ça ne peut pas se faire autrement. Si nous parents ne nous mobilisons pas, qui va le faire ?