À la rencontre de nos administrateurs

Le rôle est souvent méconnu mais il est pourtant primordial. L’administrateur contribue au déploiement du projet associatif, il fait vivre l’association, participe aux actions en faveur des personnes en situation de handicap et de leur famille et porte des projets qui sont ensuite déployés par les professionnels.
On imagine souvent que cela nécessite un savoir-faire particulier et des compétences spécifiques alors que la motivation est l’ingrédient principal. Au sein de l’Unapei 30, on compte 21 administrateurs agissant selon leurs compétences et leur disponibilité pour les 950 personnes accompagnées par l’association.
Les profils sont divers et c’est ce qui fait la richesse de l’association. On retrouve aussi bien des parents, que des frères et sœurs ou des amis. Afin de vous faire connaître cette fonction et les personnes qui ont choisi de s’y investir, nous instaurons la rubrique “À la rencontre de nos administrateurs”. Pour cette première édition, Élisabeth Toussaint a accepté de répondre à quelques questions qui vous permettront de découvrir son parcours associatif.

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Élisabeth, je suis née à Bagnols et j’habite à Sauveterre. Je suis en activité professionnelle au sein d’une entreprise familiale, en tant que conjoint associée. Cela me permet une certaine souplesse, notamment en terme d’horaire. Je peux plus facilement m’organiser pour consacrer du temps à une activité associative.
En dehors de ma profession et de mon investissement associatif, je bricole, je jardine, je tricote, je fais du crochet, de la couture… tout ce qui tourne autour du Do It Yourself. On peut dire que je suis une “touche à tout”. Je regarde beaucoup de tuto et j’apprends, c’est une façon de me changer les idées.
J’ai aussi deux fils et deux petits-fils avec qui je passe du temps régulièrement.

Qu’est-ce qui vous amené à vous impliquer dans le secteur du handicap ?
Mon frère vit avec un handicap intellectuel. Mes parents se sont occupés de lui, puis au décès de mon père je suis devenue un appui et un soutien pour ma mère. Ce n’est pas évident de combiner la gestion des difficultés liées au handicap et les relations parent/enfant, d’autant plus lorsque l’on se retrouve seule. J’ai alors naturellement aidé ma mère qui était plutôt fusionnelle avec mon frère.
Aujourd’hui Frédéric a 56 ans et est accompagné par Sésame Autisme au sein d’un Foyer d’Accueil Médicalisé.

Avez-vous rencontré des difficultés liées à ce handicap ?
Lorsque le handicap touche un membre d’une fratrie, c’est l’ensemble des frères et sœurs qui s’y retrouve confronté. Ça a un impact quotidien et dès le plus jeune âge. Mon frère étant handicapé, je l’ai été aussi d’une certaine manière. On peut dire que le handicap a conditionné toute ma vie d’enfant. J’ai toujours cherché à compenser les failles de mon frère : il fallait que je sois sage pour deux, que je travaille bien à l’école pour deux, que j’aide à la maison pour deux. Mes parents ne me le demandaient pas, c’est moi qui m’imposait ça avec une grande acuité mais aussi une ambivalence dans les sentiments. Partagée entre l’envie d’obtenir plus d’attention de mes parents et en même temps la culpabilité de ce souhait.

Quelles sont vos relations avec votre frère ?
Petits on était assez proches puis, à l’adolescence, il est parti en IME. Il a pu acquérir beaucoup d’autonomie et apprendre de nouvelles choses mais la rupture a été compliquée pour mes parents et moi, d’autant plus que mon frère ne verbalise pas ses émotions. Lorsque j’ai pris la place du deuxième parent pour aider ma mère, je suis devenue l’autorité qui était, jusque-là, plutôt incarnée par mon père. Il y a eu quelques périodes difficiles mais aujourd’hui tout se passe bien. Mon frère vient une fois par mois chez moi, nous passons le weekend ensemble et il semble heureux de ces moments en famille.

Aujourd’hui, quel rôle occupez-vous auprès de votre frère ?
Je suis devenue sa curatrice lorsque cela est devenu trop compliqué pour ma mère. Un jour je ne serai plus en mesure de le faire et là encore on voit bien l’impact et les répercussions que le handicap peut avoir sur toute une famille. J’en ai parlé avec mes fils, ce sont eux qui prendront le relai. Du coup j’essaie de mettre en place tout ce que je peux pour que ce que je leur laisse soit le plus léger possible. Je les inclus dès maintenant, on parle beaucoup ensemble de façon à être tous d’accord sur les décisions à prendre.

D’où vient votre engagement associatif ?
J’ai toujours été engagée : quand mes enfants sont entrés à l’école je suis devenue parent d’élève. Lorsque l’on vit dans un petit village les parents se connaissent tous, il y a un côté convivial : on se voit à l’école et lors des activités extra-scolaires. J’ai été sollicitée par les associations sportives où mes fils pratiquaient des activités et j’ai suivi le mouvement. Mes parents n’étaient pas forcément impliqués en tant que bénévoles dans des actions associatives. Mais comme c’était mon cas, je me suis naturellement intéressée au milieu associatif lié au handicap.

Comment est né votre engagement au sein de l’Unapei 30 ?
Au départ mon frère était accueilli dans un établissement géré par l’ABPEI, j’ai alors rejoint l’association en tant qu’administratrice et me suis impliquée dans ce qui concernait les travaux, notamment en suivant la construction des Agarrus. L’ABPEI a fusionné avec les deux autres associations du département (pour devenir l’Unapei 30), un nouveau bureau et un nouveau Conseil d’Administration ont été créés et j’ai été sollicitée pour en faire partie. J’ai occupé la fonction de secrétaire pendant cinq puis, puis celle de Présidente Adjointe. Cela représente, dix ans d’engagement à haut niveau. Malgré l’intérêt de la mission, j’ai eu envie de prendre du temps pour moi et d’occuper un rôle moins chronophage. Il est d’ailleurs tout à fait possible de participer à la vie associative en tant administrateur et sans être engagée sur des fonctions de bureau. C’est ce qui me convient aujourd’hui.

Si ce n’est pas nous, personnes concernées par le handicap, qui nous mettons au travail, personne ne le fera.

Pouvez-vous nous parler du rôle d’administrateur ?
On croit souvent, à tort, qu’il faut certaines compétences techniques et professionnels pour être administrateur. Or, étant proche d’une personne en situation de handicap, nous possédons des ressources inestimables que d’autres non pas : l’expérience de la vie, la capacité à faire face aux difficultés rencontrées, l’adaptabilité, la persévérance, la connaissance du handicap et de ce que ça implique au quotidien. Ce vécu est une richesse pour remplir la fonction d’administrateur.
Il est effectivement utile d’avoir des connaissances de l’environnement médico-social, mais ça s’apprend. Quand je suis arrivée je n’y connaissais absolument rien et grâce aux réunions, aux discussions, aux rencontres, j’ai acquis des compétences. Il y a aussi des formations et un accompagnement proposés par l’Unapei qui nous aident dans cette fonction. L’administrateur a un rôle important et primordial pour nos proches. Il défend les personnes en situation de handicap, il contribue à faire avancer leur droit, à obtenir des moyens d’accompagnement au delà de la famille, à garantir la prise en charge même lorsqu’il n’y aura plus d’ascendant. Si ce n’est pas nous, personnes concernées par le handicap, qui nous mettons au travail, personne ne le fera. Ou très difficilement.

L’Unapei 30 est une association de parents, concrètement qu’est-ce que cela représente ?
C’est un regard particulier, un regard parental rempli de bienveillance. Confier mon frère à une association de parents m’a sécurisé. Je me disais que les personnes membres du Conseil d’Administration comprenaient ma problématique puisqu’elles y étaient elles-mêmes confrontées en tant que parent.
Et puis, faire partie d’une association parentale, ça permet de rencontrer d’autres parents et proches, d’échanger avec eux, de s’entre-aider, se conseiller ou se soutenir. On se rend compte que l’on est pas seul et qu’il existe des solutions.
Nous parents, nous discutons beaucoup entre nous. Souvent ça nous permet de relativiser. Nous échangeons aussi constamment avec les professionnels de l’association qui nous apportent une autre vision des choses, une autre perspective. Il y a un vrai lien entre administrateurs et professionnels, c’est très enrichissant et rassurant.

Quels sont les projets sur lesquels vous êtes impliquée et ceux qui vous ont marqué ?
Les projets de l’association sont portés par différentes commissions, chacun intègre celle de son choix selon ses affinités et compétences. Aujourd’hui je fais partie de la commission “Travaux”. Ayant une formation d’architecte je me suis portée volontaire pour participer à ce groupe de travail et apporter mes compétences. Je participe notamment aux projets de relocalisation de l’ESAT Véronique et d’extension du Foyer d’Accueil Médicalisé Les Massagues.
Une des actions qui m’a le plus marqué est la réussite de la fusion des trois associations. Je faisais partie du bureau à ce moment-là et c’était un enjeu capital. Fusionner les trois entités nous permettait d’avoir plus de poids. Humainement c’était un véritable défi, car chaque association avait son propre fonctionnement.
Aujourd’hui nous commençons à récolter les fruits de cette fusion et je suis fière d’avoir participé à cette action. Il a fallu du temps et beaucoup de travail pour fédérer tout le monde autour de ce projet mais nous avons réussi à faire de l’Unapei 30 un acteur incontournable du département.

Avez-vous un mot pour convaincre des futurs administrateurs hésitants ?
Si vous vous ne le faites pas, personne ne le fera pour vos proches.
Des actions d’auto-représentation commencent à voir le jour mais le rôle d’administrateur est toujours d’actualité. Les personnes en situation de handicap ont besoin de nous pour les accompagner et les soutenir.
Tout seul, tout est très compliqué. Être ensemble n’enlève pas la difficulté mais cela permet de mieux répartir les efforts et de s’entre-aider.